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Le blog d'education et de formation

Gestion de la classe, communauté d'apprentissage

22 Octobre 2009 , Rédigé par mazagan Publié dans #علوم التربية

 
 
Gestion de la classe,
communauté d'apprentissage
http://www.tact.fse.ulaval.ca/fr/html/fcar/rapporta.htmllink
PARTENARIAT PROTIC-FCAR-TACT
Normand Arsenault, Marc Blanchet, Francis Bourassa, Pierrette Desnoyers,
Karl Doré, Lucie Fortin, Pascaline Gerardin, Gilles Grégoire, Isabelle Jobin,
Thérèse Laferrière, Frédéric Legault, Étienne Massicotte, Louise Ménard,
Patrick Moisan, Huguette Paquin, Mélanie Tremblay.
Infographie Marco April
Avril 2000
 


 

Table des matières

Avant-propos

Introduction

 

Partie I
Pour un usage adéquat des TIC :
un projet pédagogique partagé
 

Chapitre 1

La mise en route du programme Protic

1.1 L'orientation et l'apport de la direction

1.2 Le projet d'intervention pédagogique des enseignants

1.3 Le soutien des conseillers pédagogiques

 

Chapitre 2


Les élèves en projet d'apprentissage
dans un contexte d'intégration de l'ordinateur en réseau

2.1 Spécificités et fonction de l'approche par projet

2.1.1 Le rôle de l'ordinateur en réseau

2.1.2 Des élèves engagés

2.1.3 Des élèves chez qui l'on veut développer des habiletés de communication et de collaboration

2.1.4 Des apprentissages significatifs

 

Chapitre 3


Les rôles au sein d'une classe, communauté d'apprentissage

3.1 Le rôle de l'enseignant

3.2 Le rôle de l'élève

 
Partie II
Organisation de l'environnement d'apprentissage
 

Chapitre 4


La gestion de l'outil :
choix du pédagogue d'aujourd'hui, choix du pédagogue de demain
 

Chapitre 5


Le temps :
choix du pédagogue d'aujourd'hui, choix du pédagogue de demain

5.1 Planification du temps de classe

5.2 Gestion du temps d'apprentissage

 

Chapitre 6


Les lieux : aménagements et gestion:
choix du pédagogue d'aujourd'hui, choix du pédagogue de demain
 
Partie III
Vers une communauté d'apprentissage
 

Chapitre 7


Interagir pour apprendre :
le projet Renaissance, un exemple d'application
de la pédagogie de projet en contexte branché

7.1 La théorie des intelligences multiples de Gardner

7.2 La notion de compétences collectives : Une compétence interactionnelle, un réseau

d'intelligences multiples

7.3 L'apprentissage par projet

7.3.1 La préparation

7.3.2 La réalisation

7.3.3 L'intégration

7.4 Le projet Renaissance

7.5 Le site Web: une démarche progressive

 

Chapitre 8


Une communauté d'apprentissage en construction

8.1 La direction et les élèves

8.2 La direction et les parentsa direction et les élèves

8.2 La direction et les parents

Conclusionr à la citoyenneté

nnexes

Annexe A

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      •  

        Le cadre taxonomique de Discas.

Annexe B

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      •  

        Liste des rôles à l'intérieur d'une équipe, grille d'évaluation des rôles en travail coopératif et évaluation de la participation des pairs.

Annexe C

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    •  
      •  

        Considérations techniques et organisationnelles de l'ordinateur portable en contexte scolaire.

Annexe D

  •  
    •  
      •  

        Liste des responsabilités en contexte d'approche par projet.  Liste de responsabilités en contexte d'approche par projet.

Annexe E

  •  
    •  
      •  

        Les formes d'intelligence selon Gardner.  Les formes d'intelligence selon Gardner

 


 

AVANT-PROPOS

Avant-propos
Mise en contexte

Ce document s'adresse à ceux et celles qui oeuvrent dans l'enseignement et qui réfléchissent à l'arrivée massive des technologies de l'information et des communications (TIC) en éducation, à leur impact éventuel sur l'apprentissage des élèves de même que sur leur propre travail. Pour notre part, nous appuyant sur les résultats des recherches les plus probantes, nous soutenons que la réussite de l'intégration des TIC en situation d'apprentissage dépend de la façon avec laquelle l'enseignante ou l'enseignant utilise la nouvelle technologie.

Nous voulons donc communiquer avec les pédagogues d'aujourd'hui qui ont commencé à définir les conditions préalables à la mise en place d'une pédagogie profondément renouvelée ou qui seraient désireux de contribuer d'une manière ou d'une autre à l'avancement de la pédagogie dans des classes qui passeront progressivement en réseau aux fins de l'apprentissage formel des élèves. Même si le Programme des programmes nous y incite, il y a tout lieu de croire qu'une telle transition se fera lentement, car elle implique une redéfinition de l'interaction entre le maître et les élèves, de même qu'entre les élèves.

Pour notre part, nous inscrivant dans la foulée du récent avis du Conseil supérieur de l'éducation, L'école, communauté éducative, nous vous invitons à être témoins de nos premiers pas dans cette direction. Devant l'ampleur de la tâche, nous avons créé, pour y arriver, un partenariat.

Ainsi, le trajet que nous rapportons ici est celui de la première phase du projet de recherche, projet qui réunit une direction d'école mandatée par sa commission scolaire, des enseignantes et des enseignants, des conseillères et conseillers pédagogiques, des parents, des stagiaires et des chercheurs de l'Université Laval financés par le Fonds FCAR. Ensemble, nous cherchons à réunir les conditions qui permettront de réussir l'intégration des TIC en salle de classe. Nous disposons d'un niveau de connectivité élevé (lien rapide à l'intranet de l'école et à l'Internet, ordinateur portable pour chaque élève et enseignant-e, stagiaires équipés d'un ordinateur à la maison, portatif, ou encore, se partageant un ordinateur portable à l'école).

Cependant, dans un contexte scolaire où les élèves (en 1er secondaire, en 2e secondaire, en 3e secondaire et en 4e secondaire) sont partie prenante de leur apprentissage et disposent d'un outil relativement puissant, il importe de comprendre ce qui devient possible et aussi de repérer les problèmes à temps en faisant appel à toutes les ressources de notre compétence pédagogique.

Si nos rôles respectifs se transforment substantiellement, on ne peut manquer de songer à de nombreuses situations où nous nous savons en continuité avec notre passé pédagogique et à d'autres, où nous avons conscience qu'une rupture est en train de se produire et qu'il importe désormais que nous travaillions autrement.

Faire en sorte que les TIC servent les pédagogues d'aujourd'hui et de demain, telle est la tâche que nous voulons partager avec vous. C'est pourquoi nous avons mis en place, en partenariat avec l'Infobourg, un forum de discussion auquel nous vous invitons à participer. Consultez la page suivante : http://www.infobourg.qc.ca

Dans ce forum et d'autres forums correspondants, nous discuterons des différents aspects du "carnet de notes" que nous vous soumettons aujourd'hui. Dans ce dernier, nous discutons de la manière dont nous transformer nos façons de travailler en intégrant les TIC, des possibilités et des problèmes qui apparaissent quand la classe utilise les TIC et, plus particulièrement, le réseau.

L'an prochain, notre attention se portera encore davantage sur la communication pédagogique au sein de la classe reconceptualisée comme une communauté d'apprentissage en réseau, car nous compter sur une organisation et une gestion de classe de mieux en mieux balisées.



 

Introduction

Pour réussir le passage du Québec vers la société du savoir, les enseignantes et les enseignants sont indispensables. Les auteurs du présent document en sont profondément persuadés. Dans ce texte, ils vous livrent leur façon de répondre aux nouvelles attentes créées par une société du savoir en plein développement, tout en empruntant une démarche dynamique dans la façon d'y parvenir. Leur recherche-action s'appuie sur des fondements de nature socio-constructiviste qui viennent éclairer le choix et la mise en oeuvre de conditions favorables pour les élèves maintenant appelés, en plus grand nombre que jamais, à atteindre un seuil élevé de réussite.

Portée par le développement que connaissent les technologies de l'information et des communications, la société du savoir fait aujourd'hui appel plus que jamais à notre capacité à travailler en collaboration. Alors que la tendance à l'automatisation des tâches continue de s'accentuer, s'unir, à l'école comme au travail, et faire preuve d'intelligence collective telle nous semble être la voie à privilégier. Dans les deux cas, l'ordinateur en réseau joue, en effet, un rôle différent.

L'équipe de recherche se considère privilégiée de disposer d'un accès illimité à l'Internet et à des intranets qui lui permet de faire un usage efficace des ordinateurs branchés en réseau à des fins d'enseignement et d'apprentissage. Ces dernières, axées sur l'atteinte des habiletés socio-cognitives, sont de la plus haute importance pour les pays développés. Marqués par une importante décroissance démographique qui s'oppose à l'explosion des populations des pays en voie de développement, les pays développés requièrent en effet l'augmentation d'une main-d'oeuvre de plus en plus qualifiée afin de maintenir un haut niveau de qualité de vie.

Dans un tel contexte, enseigner dans le but d'aider les élèves à acquérir les habiletés de base ne suffit plus. L'enseignant doit adopter des façons de faire efficaces qui puissent amener le plus grand nombre d'élèves possible à développer des modes de pensée et d'interactions sociales supérieurs. C'est là un trait distinctif de la société du savoir d'aujourd'hui. Pour apporter notre contribution à un tel enjeu (voir les compétences transversales du Programme des programmes), nous avons choisi de chercher ensemble à utiliser efficacement les ressources et les outils que nous procurent les ordinateurs branchés en réseau dont nous disposons.

Notre projet de recherche, financé par le Fonds FCAR, s'étend sur trois ans. Nos efforts se sont concentrés sur le choix et l'installation de conditions propices à l'atteinte des objectifs du programme PROTIC (Programme de formation au secondaire axé sur l'intégration des nouvelles technologies de l'information et des communications) de l'école secondaire Les Compagnons-de-Cartier, objectifs qui vont de pair avec ceux des programmes scolaires courants, tout en s'inspirant des finalités et des moyens de l'actuelle réforme de l'éducation au Québec. Nous souscrivons à cette dynamique de changement et mettons nos énergies à l'organisation et à la gestion de nouveaux environnements d'apprentissage. La classe, envisagée comme une communauté d'apprentissage, oriente notre effort pédagogique.

Dans le but d'aider nos successeurs dans la construction de leur communauté d'apprentissage, ce qui, dans le futur, pourra donner lieu à des échanges fructueux, nous partageons les résultats de nos premiers essais d'organisation et de gestion de classe. Ainsi, dans notre cas, chacun des membres de notre communauté dispose d'un ordinateur portable branché en réseau, à l'école comme à la maison. Comment nous y prenons-nous pour organiser la classe et la gérer quand les élèves travaillent avec un ordinateur? Que se passe-t-il quotidiennement? Quels sont les points d'attention les plus critiques? De quels repères disposons-nous pour évaluer la qualité du climat d'apprentissage qui prévaut dans la classe? Voilà autant de questions et de pistes que nous voulons partager avec vous en présumant que les situations que nous vivons au sein d'une classe totalement "branchée" trouveront un écho dans votre pratique pédagogique, quel que soit le niveau de connectivité électronique de la classe ou de l'école au sein desquelles vous oeuvrez présentement.

Plus encore, nous souhaitons, d'abord et avant tout, faire appel à votre compétence pédagogique et à votre esprit de collaboration de manière à ce que, toutes et tous ensemble, nous fassions une entrée réussie dans le 21e.

 


 

PARTIE I
Pour un usage adéquat des TIC : un projet pédagogique partagé

 

u

Chapitre 1

La mise en route du programme Protic
 

1.1 L'orientation et l'apport de la direction

Avant de mettre sur pied le programme Protic, l'école secondaire Les Compagnons-de-Cartier, de la commission scolaire des Découvreurs, tentait déjà, depuis quelques années, de rendre aussi accessible que possible l'utilisation des TIC. Un cours a été créé au début des années 90 pour permettre aux élèves, dès le 1er secondaire, de se familiariser avec les ordinateurs afin d'être en mesure de les utiliser le jour où un enseignant déciderait de les intégrer à sa pédagogie. En 1994, forte de cette expérience, l'école s'est vu confier par la commission scolaire le mandat d'explorer plus à fond les possibilités offertes par les nouvelles technologies dans un contexte scolaire.

Trois personnes prennent alors la direction du programme Protic : Marc Giguère, alors directeur de l'école, Gilles Grégoire, directeur adjoint, et Guy Bergeron, conseiller pédagogique en applications pédagogiques de l'ordinateur. Rapidement, ils estiment qu'il leur faut rompre avec la pédagogie traditionnelle et ils orientent leur réflexion autour de deux grands paramètres: premièrement, les TIC doivent être parfaitement intégrées au projet pédagogique si l'on désire en faire un outil de travail au même titre qu'un volume ou une grammaire; deuxièmement, pour en arriver à cette qualité d'intégration, il faut développer une approche qui exploite les nouvelles tendances pédagogiques, c'est-à-dire l'apprentissage par projet, la coopération entre élèves et le développement de compétences. Le défi est important puisque le projet Protic devient, dans les faits, une école à l'intérieur de l'école avec une dynamique qui lui est propre et qui requiert une grande capacité d'adaptation de la part des élèves, des enseignants, des conseillers pédagogiques et de la direction.

Les enseignants qui oeuvrent au sein de ce programme sont spécifiquement recrutés sur la foi de leur intérêt à travailler par projet et de leur désir d'intégrer les TIC à leur pédagogie. L'organisation de la tâche se démarque nettement des pratiques habituelles. Protic accueille actuellement 64 élèves par niveau (192 en 1999-2000 et répartis en six groupes). Chacun des six enseignants est responsable d'une matière de base. En 1er secondaire, par exemple, il s'agit des mathématiques et de la géographie pour l'un, et du français et de l'écologie pour l'autre. Par ailleurs, chaque enseignant est titulaire d'un groupe auquel il enseigne les sciences religieuses ou la morale, les méthodes de travail intellectuel et la formation personnelle et sociale. Un enseignant consacre ainsi 14 périodes au groupe dont il est titulaire et 10 au second. S'ajoutent à cette équipe les enseignants titulaires des spécialités de musique, d'arts plastiques, d'éducation physique ou d'anglais. Cette dernière est d'ailleurs une matière dont l'importance est accentuée dans le programme par un nombre plus élevé de périodes qui y sont consacrées.

L'utilisation des nouvelles technologies implique des coûts. Ainsi, les parents des élèves inscrits à Protic doivent débourser près de 2 500 $ pour l'achat de l'ordinateur portable de leur enfant. Quoique le paiement de cette somme puisse être réparti sur 5 ans, cela représente tout de même des frais de 500 $ par année.

Dans ce contexte, le directeur-adjoint responsable de Protic ainsi que le personnel des services éducatifs de la commission scolaire accompagnent très activement les enseignants dans leur démarche. Une fois par cycle, le directeur adjoint rencontre ces derniers dans le but de faire le point sur le déroulement du programme. L'équipe des services éducatifs en fait autant. Ces relations avec les enseignants sont essentielles dans la mesure où la mise en place du programme correspond aussi à une vaste expérimentation qui n'a d'équivalent nulle part au pays. Les expériences de chacun doivent être partagées non seulement pour faire le point sur les réalisations des uns et des autres, mais aussi pour s'assurer qu'une philosophie commune s'implante et rayonne au sein des classes Protic. Le recul est essentiel pour que s'établisse une certaine continuité dans les pratiques pédagogiques et qu'une ligne directrice soit tirée entre les niveaux. Sans ces rencontres, des enseignants, trop absorbés par les exigences de l'enseignement par projet assisté par l'ordinateur en réseau et par les liens particuliers qui se développent avec les élèves, pourraient facilement perdre de vue ce qui se fait à l'extérieur de leur classe. À défaut de permettre le développement des relations étroites entre les enseignants de Protic, le programme risquerait de ne pas survivre très longtemps.

Bien sûr, la mise en oeuvre d'un projet semblable, dans une école où se vit une culture organisationnelle solidement ancrée, provoque quelques remous et engendre certaines inquiétudes. L'apparition de Protic a provoqué un choc entre deux approches pédagogiques : l'une, plus traditionnelle, et largement répandue, situe l'enseignant au centre de la démarche pédagogique, tandis que l'autre place l'élève au coeur de l'action, et est présentée par ses défenseurs comme la voie du renouvellement de l'école. Les élèves et les enseignants de Protic qui évoluent dans un contexte d'apprentissage bien différent de celui des classes régulières font, de ce fait, l'objet d'une attention particulière. Des craintes sont alors apparues chez certains enseignants de l'école qui redoutaient de se voir imposer un changement de leurs méthodes d'enseignement par la direction. Il n'est pas facile, en effet, d'accepter que des élèves atteignent, en participant à la prise de décision, les mêmes objectifs que ceux qui voient leur apprentissage essentiellement dirigé par un enseignant. À cet égard, la grande activité qui règne dans le classes Protic dérange les enseignants qui sont habitués de voir des élèves en position d'attente à leur pupitre respectif, une situation causée par le manque de ressources. Ainsi, on peut affirmer que les enseignants Protic vivent un certain isolement. En outre, comme les uns et les autres ne voient pas les mêmes élèves, ils sont privés du premier sujet de discussion qui anime toute salle des enseignants. Toutefois, les enseignants de Protic, voire les stagiaires, deviennent des sources d'informations de premier ordre pour ceux qui s'intéressent à l'apprentissage coopératif et à la pédagogie par projet.

 

1.2 Le projet d'intervention pédagogique des enseignants

Les enseignantes et les enseignants qui travaillent à Protic se sont engagés dans ce programme sur la base d'une conception de l'apprentissage qui emprunte au socioconstructivisme en reconnaissant la valeur de la participation active de l'élève à ses apprentissages et d'une communication pédagogique soutenue entre l'enseignant et l'élève et entre les élèves. Cette conception partagée repose sur les croyances pédagogiques et les forces propres à chacun d'eux et s'exprime à travers leur intervention pédagogique. Nous présentons ici des témoignages de ces quatre enseignants qui ont, chacun à leur manière, donné le coup d'envoi à ce projet pédagogique.

 

Je continue à croire que la réussite des élèves dépend en grande partie de la qualité des liens qui s'établissent entre eux et l'enseignant. Je pense que le développement d'un véritable sentiment d'appartenance au groupe est fonction directe de la valeur des relations interpersonnelles. Sans cette confiance mutuelle, les ordinateurs, tout comme les livres de classe, ne sont d'aucune utilité.

Je vois l'enseignant comme une personne qui crée des liens entre les objectifs du curriculum, de manière à faire naître un projet, entre les membres d'une équipe, dans le but d'améliorer ce projet, avec des gens de l'extérieur (parents, compagnies) afin que le projet monté soit réaliste et, enfin, avec l'actualité afin d'encourager les élèves à s'y intéresser.

J'ai réalisé que les ordinateurs, en leur qualité de machines, conféraient plus de portée aux gestes posés par l'enseignant et aussi à ceux posés par l'élève. Ainsi, au cours d'un exposé magistral, on peut projeter diverses illustrations, en couleur et animées de surcroît. L'apprentissage par projet, lui, peut gagner en étendue et en profondeur.

J'ai compris que ce qui fait l'intérêt et la valeur des ordinateurs, ce sont les réseaux qu'ils permettent de créer et, par ceux-ci, la mise en commun des connaissances à l'échelle planétaire. Les ordinateurs n'ont pas engendré la communication, mais lui ont donné une portée et une signification absolument nouvelles auxquelles nous devons accorder toute notre attention.

Enseignant 1

 

L'apprentissage coopératif et le travail d'équipe ont comme principal objectif la construction des connaissances en collaboration. L'intérêt de cette démarche réside, selon moi, dans le fait que l'élève apprend à être responsable de ses apprentissages. En collaboration avec ses pairs, l'élève s'approprie les éléments du savoir à partir d'une démarche de projet qui l'amène à assumer différentes responsabilités tant à son égard qu'à l'égard des membres de son équipe et, ce faisant, à développer des habiletés nouvelles, entre autres, dans le respect des différences. Dans ce contexte, l'enseignant devient alors le guide d'une démarche d'apprentissage qui appartient et revient à l'élève. La classe n'est plus ce lieu où le silence est roi et maître, mais bien plutôt l'espace, ouvert, de la communication et de la collaboration. L'apprentissage s'effectue désormais dans le parcours multiforme du partage des informations et de la co-construction des connaissances.

Enseignant 2

 

Ma démarche consiste à interroger la valeur de l'apprentissage actif, en collaboration et interdisciplinaire lorsque ce dernier est assisté par l'ordinateur branché en réseau. À cet égard, le programme Protic veut faciliter la participation de l'élève à l'organisation de son milieu et à l'élaboration collective de la connaissance en lui permettant de se doter d'une instrumentation intellectuelle et d'en évaluer l'impact sur son propre développement et sur celui de la communauté d'apprenants à laquelle il appartient. L'élève peut ainsi prendre conscience de sa singularité et de la contribution de celle-ci à l'édification du savoir collectif, ce qui revient à dire que la connaissance est en relation étroite avec les compétences personnelles et relationnelles.

Je considère les élèves comme détenteurs d'un ensemble d'habiletés intellectuelles qu'ils sont progressivement amenés à maîtriser et à développer dans la connaissance de celles des autres élèves au cours de leur démarche d'apprentissage. Cette interaction intellectuelle entre plusieurs individus rassemblés autour d'un même projet me semble de la plus haute importance parce qu'elle incite chacun d'eux à réfléchir, à analyser et à interpréter plusieurs fois une même situation. L'approche par projet peut ainsi conduire l'élève à évaluer sa démarche intellectuelle, dès lors qu'il la confronte à celle de ses pairs et, par le fait même, l'amène à la modifier et à l'enrichir.

Selon moi, l'apprentissage par projet ne met pas l'accent sur la performance intellectuelle, comprise de manière isolée, mais bien plutôt sur le développement intégral de l'élève par le biais de la coopération entre pairs et de l'interaction avec son enseignant. La multiplication des interactions au sein d'un groupe donné vise à de profondes transformations intellectuelles tant du côté de l'élève que du côté du groupe au sein duquel cet élève évolue. Les possibilités de cette construction collective sont illimitées. Dans cette perspective, les réalités de l'enseignement à Protic me paraissent offrir un espace où se multiplient les possibilités de rencontres de la manière la plus démocratique qui soit.

Enseignant 3

 

Pour moi, l'apprentissage par projet assisté par l'ordinateur en réseau constitue une approche pédagogique fondamentalement démocratique. Si je reconnais la nécessité pour l'élève de faire l'apprentissage de contenus précis (objectifs d'apprentissage), je pense, par ailleurs, que ces apprentissages doivent se faire au sein d'un environnement qui permettra à l'élève de développer le sens de la communauté. Je crois en ce sens qu'une approche démocratique de l'apprentissage peut contribuer au développement des habiletés sociales de l'élève dans la mesure où je pense que nous formons des citoyens selon le modèle que nous créons dans nos classes.

Enseignant 4

 

Indépendamment de leurs particularités individuelles, les témoignages des quatre enseignants se rejoignent autour des quatre axes orientant leur projet d'intervention pédagogique commun, soit l'acquisition de l'autonomie, du sens des responsabilités et de la participation, d'une capacité de créativité et, enfin, de l'esprit de collaboration et du sens communautaire.

L'approche par projet et le travail coopératif représentent, pour les enseignants de Protic, une voie privilégiée du développement de l'autonomie intellectuelle et affective parce qu'ils permettent à l'élève d'assumer une tâche en tirant partie de ses forces et de ses faiblesses, de faire des choix, de partager ses opinions, de les confronter à celles des autres, de s'ouvrir à la critique et, finalement, d'établir un consensus avec ses pairs.

En remettant à l'élève la responsabilité de ses apprentissages, ce projet pédagogique veut favoriser l'affirmation de soi, la tenacité, la capacité de prendre des risques et l'ouverture au monde. Plus spécifiquement, il veut permettre à l'élève de stimuler sa curiosité intellectuelle et son imagination, de s'engager dans toutes les étapes de l'élaboration d'un projet, et, par conséquent, de développer une conscience de son apport personnel dans sa réussite scolaire. L'intervention pédagogique est orientée de manière à ce que l'élève ait la possibilité de participer aux décisions, car la croyance partagée est que plus il souhaitera s'engager, plus il sera à même de développer son sens des responsabilités.

Le travail coopératif et l'approche par projet sont vus comme favorisant l'échange d'informations et la communication par le biais de l'équipe, de la classe, de l'école, de l'environnement immédiat et lointain, et par le recours à toutes les formes d'expression et de communication possibles: travaux écrits informatisés, exposés en classe, expos-conférences, spectacles, colloques, courriers électroniques, Internet, web et toutes les autres formes d'échange possibles.

En outre, parce qu'ils incitent l'élève à faire sa place dans la communauté, en le plaçant dans des situations où il doit communiquer ses idées de manière organisée et, par le fait même, les partager, l'enseignement par projet et le travail coopératif représentent aux yeux des enseignants de Protic un exercice privilégié de la démocratie. Loin de s'isoler, l'élève apprend alors à faire avec les autres et à développer, conjointement à l'esprit de collaboration, un vif sentiment d'appartenance à sa communauté.

 

1.3 Le soutien des conseillers pédagogiques

À Protic, le travail en collaboration est privilégié et c'est aussi dans cette optique que l' équipe des Services éducatifs travaille (coordonnateur et trois conseillers pédagogiques). Son mandat consiste à collaborer avec le personnel de direction et les enseignants, à la mise en place du programme à chaque année, et à travailler avec les enseignants dans le cadre des activités de suivi prévues pour chacun des niveaux d'enseignement. Des rencontres ont ainsi lieu avec les enseignants de chaque cycle. Ces rencontres sont rendues possibles par le fait que les enseignants d'un même niveau d'enseignement sont libérés au même moment. Il s'agit d'une occasion d'échange à partir des questions, demandes, besoins ou problèmes des enseignants. D'autres moments sont aussi réservés à la planification, à l'ébauche de quelques outils de travail (grilles pour l'évaluation, etc.), ou encore, à l'analyse et au retour sur les projets et autres activités vécus en classe.

Pour ma part, et je crois qu'il en est de même pour mes collègues, nos façons d'agir à Protic ne sont pas différentes de celles utilisées dans le cadre d'autres interventions. Nous essayons de tenir compte des besoins exprimés et des attentes du milieu pour orienter nos actions. Toutefois, l'organisation du programme Protic et l'entente de collaboration établie avec les Services éducatifs favorisent des rencontres et des échanges réguliers avec les enseignants et le personnel de direction, ce qui facilite le suivi du programme. Bref, Protic, c'est une affaire d'équipe où chacun tente d'apporter sa contribution.

Conseillère pédagogique

Au cours des deux premières années du programme, il y a eu, à chaque début et à chaque fin d'année scolaire, quelques jours de formation pour répondre aux besoins de l'ensemble du groupe ou, encore, d'une classe ou d'un enseignant en matière, par exemple, de pédagogie du projet ou de mise en place du portfolio. Par leur présence, leurs ressources et leur médiation en ce qui concerne l'application des politiques en place, les conseillers pédagogiques apportent un nécessaire soutien aux enseignants. Leurs rencontres permettent aussi une distanciation de l'action quotidienne et un regard critique sur les pratiques en voie de renouvellement.

La mise en oeuvre du projet d'intervention pédagogique ci-dessus mentionné le requiert d'autant plus que le fait même de convier les élèves à l'exercice de l'autonomie et de la démocratie, par l'approche par projet et le travail en collaboration, exige d'innover. Chaque élève étant placé dans des situations diverses tant sur le plan intellectuel que social, il est progressivement amené à développer une grande capacité d'adaptation. Enfin, bref, réaliser ce projet à l'école secondaire, c'est guider l'élève dans son engagement et l'exercice d'habiletés qui lui sont propres, et qui s'enrichiront au contact sans cesse renouvelé de celles des autres et de l'esprit d'ouverture qu'un tel échange contribuera à développer, pour qu'il prenne peu à peu conscience de son unicité dans la relation de réciprocité qui s'établira entre lui et sa communauté d'apprentissage.


 

Chapitre 2

Les élèves en projet d'apprentissage dans un contexte
d'intégration de l'ordinateur en réseau
 

L'école doit désormais former des citoyens conscients des enjeux auxquels font face les sociétés, conscients de leur responsabilité d'acteur social pour préserver la démocratie et construire un monde viable, capables d'être critiques et de participer activement à la construction de ce monde, ouverts aux autres et à la différence. Éduquer à la citoyenneté, c'est donc éduquer à la démocratie, au pluralisme et à l'engagement collectif. Cette tâche d'éduquer à la citoyenneté se situe aux confins des trois missions du système éducatif, celle de socialisation, celle d'instruction et de développement intellectuel et celle de qualification, puisque c'est en formant des individus "complets", outillés sur tous les plans que le système éducatif pourra prétendre avoir rempli adéquatement son rôle
1.

 

Est-il nécessaire de rappeler les objectifs d'instruction, de qualification et de socialisation maintenant préconisés au Québec? En ce sens, ne devons-nous pas privilégier des approches pédagogiques qui favorisent la participation des élèves à l'ensemble de la vie de la classe? Il est alors nécessaire que les élèves puissent s'exercer à la démocratie en contexte d'apprentissage. Cela signifie que l'enseignant doit concevoir des projets et offrir des situations d'apprentissage qui puissent permettre à l'élève de développer un comportement démocratique. L'appropriation de ce comportement passe par une gestion démocratique du temps, des lieux et des activités d'apprentissage, de manière à ce que l'élève apprenne à faire des choix dans le cadre de son association avec les personnes qui forment son premier environnement social. Il s'agit, plus précisément, de mettre l'élève en situation d'exercice de la démocratie par la prise de responsabilités multiples qui ont un rapport direct avec son environnement d'apprentissage. Dans cette perspective, l'approche par projet soutenue par les TIC constitue une situation de choix parce qu'elle met les élèves en contact avec des gens, des milieux et des institutions réelles.

Précisons dès maintenant que la loi de l'instruction publique prescrit, depuis le 1er juillet 1998, l'instruction des élèves de même que leur qualification et leur socialisation2. Le programme Protic, qui lie technologie, pédagogie et démocratie, tente de répondre aux objectifs du MEQ selon une perspective qui lui est propre. Si nous reconnaissons la nécessité pour l'élève de faire l'apprentissage de contenus précis (objectifs axés sur le savoir déclaratif), nous pensons, par ailleurs, que ces apprentissages doivent se faire au sein d'un environnement qui permettra à l'élève de développer, entre autres, une compétence dans l'usage des nouvelles technologies à des fins d'apprentissage ou de travail ainsi qu'une conscience collective.

Pour que les élèves puissent faire l'exercice de la vie démocratique en contexte de classe, il s'agit pour nous de concevoir les situations d'apprentissage en fonction de cette option éducative. Le cadre taxonomique de Discas (Développement Institutionnel : Services de Consultation et d'Animation Scolaires, http://discas.educ.infinit.net/ ) et, plus spécifiquement, la partie qui a trait aux objectifs affectifs constitue à cet égard une référence intéressante pour la conception de telles situations. Pour ceux et celles qui s'y intéressent, il est possible de le consulter en bref à l'annexe A.

Rappelons que l'intégration de l'ordinateur à la classe n'a de sens pour nous que dans le cadre d'un apprentissage actif3. Ce n'est pas, en effet, par l'interaction personne/machine que le programme Protic se distingue, mais par l'interaction entre personnes qui disposent d'ordinateurs en réseau pour faire (ou faire faire) l'apprentissage des contenus du programme. Le réseau électronique agit comme support à la recherche d'information et à l'interaction entre personnes. Les logiciels-outils de base sont surtout utilisés, soient ceux qui permettent d'obtenir de l'information et de produire des textes, des images, des animations et des sons. Par conséquent, l'appropriation des logiciels-outils de base ne constitue pas une fin en soi à Protic. L'initiation à leur emploi s'effectue en effet par le biais de leur intégration aux programmes scolaires, plus précisément par la réalisation de projets d'apprentissage qui peuvent inclure plus d'une matière.

Comme nous le verrons dans les lignes qui suivent, l'approche par projet et l'intégration de l'ordinateur en réseau, utilisé comme outil, sont fortement compatibles. Nous partageons la conviction que les outils technologiques peuvent accroître dans certaines circonstances la valeur des apprentissages réalisés en projet. Les prochaines sections présentent comment nous concevons l'apprentissage par projet dans un contexte d'intégration de l'ordinateur en réseau.

 

2.1 Spécificités et fonctions de l'approche par projet

En quoi l'approche par projet crée-t-elle une demande à laquelle l'ordinateur en réseau peut répondre? Pour discuter de cette question, il importe, d'une part, de rappeler les caractéristiques de cette approche pédagogique4 et, d'autre part, d'examiner les possibilités qu'apportent les technologies de l'information et des communications.

Il faut d'abord reconnaître que l'approche par projet n'est pas nouvelle et qu'elle a presque toujours fait partie des pratiques pédagogiques. Toutefois l'apprentissage par projet, en tant que composante centrale de l'enseignement, ne remonte qu'à la fin du 19e siècle avec les expériences de John Dewey. Ce dernier s'est intéressé à l'approche par projet, ainsi qu'aux conditions nécessaires à sa mise en oeuvre en s'appuyant sur trois principes :

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        1. tous les élèves, pour apprendre, doivent être actifs et produire quelque chose;
        2. tous les élèves doivent apprendre à penser ou, ce qui, pour Dewey, revient sensiblement au même, apprendre à résoudre des problèmes; 3. tous les élèves doivent se préparer à vivre en société et, en conséquence, apprendre à collaborer avec d'autres personnes
        5.

Or, la réalisation d'un projet en contexte scolaire permet précisément l'application d'un ou plusieurs de ces principes. Ainsi, le projet a un but6, un processus de réalisation qui sollicite la pensée et la créativité de l'élève et il se matérialise généralement par une production concrète réalisée par l'élève. C'est ainsi que les élèves se font les agents de leur apprentissage. Il s'agit donc d'une pédagogie centrée sur l'élève. De plus, parce qu'il se constitue comme le processus d'une construction de connaissances en vue d'une réalisation finale, le projet implique une succession d'étapes au cours desquelles peuvent venir se greffer diverses activités pédagogiques. La souplesse de l'approche par projet rend en effet possible l'intégration d'une variété d'activités d'apprentissage, ce qui plaît aux élèves et permet à l'enseignant de diversifier son enseignement d'une manière cohérente. Cela laisse entrevoir une autre caractéristique importante de l'approche par projet, soit la multiplicité des tâches et des matières présentes à l'intérieur d'un même projet. Enfin, la réalisation d'un projet en collaboration repose sur le travail d'une communauté d'apprenants qui doivent communiquer fréquemment et efficacement entre eux. La dimension sociale de l'éducation se retrouve ainsi, elle aussi, au premier plan de l'approche par projet.

 

2.1.1 Le rôle de l'ordinateur en réseau

Qu'apporte donc l'ordinateur branché en réseau? Comme nous l'avons déjà mentionné, il est utilisé comme outil et ne constitue donc pas une fin en soi, même si sa maîtrise représente un avantage de plus pour les élèves et l'enseignant. En effet, qui dit outil, dit prolongement des mains et de la tête, ce qui signifie que l'ordinateur demeure sous la responsabilité de quelqu'un qui décide du moment et des conditions à l'intérieur desquels il jugera opportun d'y avoir recours. Ce rôle échoit aussi bien à l'enseignant qu'aux élèves. L'ordinateur et ses périphériques forment ainsi un formidable tremplin qui multiplie les possibilités d'accès et de traitement de l'information ainsi que d'échange entre des personnes. L'accès à un réseau informatisé (Internet, intranet) permet désormais de dépasser les limites de la classe pour recueillir et échanger l'information et communiquer les résultats des démarches d'apprentissage des uns et des autres. Cela s'avère d'autant plus utile que le projet nécessite déjà beaucoup de communication et de collaboration. L'ordinateur permet de faire circuler l'information écrite, les images et les sons; certains logiciels, ou environnements de télécollaboration, supportent de manière plus spécifique la coconstruction de connaissances. Il est donc possible de concevoir des projets relativement ambitieux et d'avoir recours à l'ordinateur en réseau pour les réaliser.

La diversification des médias nous paraît engendrer des répercussions positives sur la motivation des élèves qui peuvent alors présenter des productions sous de multiples formes (document écrit, illustrations, pages web, etc.) avec une facilité parfois déconcertante. L'utilisation de logiciels-outils permet aux élèves - le professeur ne s'en plaint guère - de réaliser des travaux propres et bien présentés. 

Enfin, le stockage d'informations permet de retracer soit l'évolution du processus de construction du produit final, soit l'évolution de la pensée en situation de résolution de problème et de collaboration.

C'est dire que l'ordinateur en réseau vient en appui à l'enseignant qui a déjà un penchant pour l'approche par projet. Sa présence devient une source de motivation supplémentaire parce qu'il facilite et stimule les recherches et les échanges sous différentes formes, tout en offrant une ouverture sur le monde qui dépasse le lieu réel de la classe. La disponibilité de cet outil est prise en considération au moment même de la conception d'un projet. En cours de réalisation de projet, il s'avère une précieuse source de référence et agit comme support à l'activité de production de l'élève, du groupe d'élèves.

 

2.1.2 Des élèves engagés

Lorsqu'ils travaillent en projet, la plupart des élèves sont davantage motivés sur le plan intellectuel, l'approche par projet leur offrant la possibilité de s'engager activement dans leur propre apprentissage par le biais de réalisations concrètes. Ils sont intellectuellement plus actifs du fait qu'ils sont partie prenante d'un processus de coconstruction d'un tout qui fait sens pour eux plutôt qu'agents passifs d'un exercice décontextualisé. Ce sont les intentions derrière un projet donné qui donnent orientation et signification aux apprentissages des élèves. Lorsqu'ils se sentent ainsi sollicités (voir le premier principe de Dewey), les élèves vont fréquemment au-delà de ce qui leur est demandé :

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    ...on fait beaucoup de présentations, c'est comme ça qu'on étudie nos matières... ça m'a motivé, ça m'a permis d'apprendre beaucoup de choses, puis c'est de la bouche des autres élèves ; ils connaissent leur thème... j'écoute les présentations, et j'ai à présenter un thème en particulier...je pense que les élèves ont beaucoup plus de respect en écoutant les autres élèves parler... c'est plus intéressant... en PROTIC, on met de l'originalité dans les présentations ; on fait des petites mises en situation. Ça, c'est un autre petit coup de pouce. On intègre beaucoup de matières...

De plus, le stockage de l'information dans l'ordinateur permet à l'élève de récupérer, de retravailler et d'élaborer un même travail. Les projets les plus réussis sont ceux qui se rapprochent des intérêts des élèves et laissent à ces derniers une certaine latitude de création, réservant souvent d'agréables surprises à l'enseignant au plan du contenu comme de la forme.

Parce que la réalisation d'un projet demande une grande organisation, il devient essentiel d'initier les élèves aux méthodes de travail intellectuel, ces fameuses "compétences transversales" autour desquelles s'articulent les nouveaux programmes pédagogiques7. Apprendre à apprendre, voilà donc un aspect essentiel de l'apprentissage selon l'approche par projet. Confrontés à la diversité des tâches et à une liberté intellectuelle accrue, les élèves n'ont d'autre choix que de mettre en pratique des méthodes de travail dont l'efficacité croît avec l'usage. Les TIC dans une telle démarche permettent de simplifier l'organisation, ne serait-ce qu'en donnant la possibilité d'ordonner et de mieux manipuler les informations. Les premières expériences doivent être dirigées par l'enseignant. Toutefois, avec de la pratique, plusieurs élèves deviennent suffisamment habiles pour gérer la majeure partie d'un projet donné. De même, en développant des méthodes de travail efficaces et en partageant leur savoir entre eux, beaucoup d'élèves en arrivent à faire des travaux plus élaborés, des apprentissages plus poussés, ce dont ils sont conscients :

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    ...on fait plus de travaux, on apprend plus rapidement... c'est plus approfondi... on apprend des choses, on ne fait pas juste les connaître, on les apprend, on les approfondit, on creuse les sujets.

Il n'en demeure pas moins que le contexte même créé par l'intégration de l'ordinateur en réseau constitue un défi de taille pour l'élève qui, lorsqu'on y ajoute le travail coopératif et l'apprentissage par projet, voit bien des aspects de sa vie en classe modifiés. Les rôles, le temps d'apprentissage et les outils pédagogiques sont sans doute ceux avec lesquels il a le plus à composer comme l'illustre bien le témoignage suivant:

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    C'est vraiment un changement à Protic. Je n'étais pas habituée du tout. Disons qu'au primaire, je n'avais pas de misère, j'avais pas besoin de me forcer, puis en arrivant au secondaire [PROTIC], je n'étais pas habituée de donner mon cent pour cent. J'avais de la misère, c'était pas mal de changement. (...) Je ne savais pas comment expliquer. Pour moi, ça fait du changement. Projets, travail en équipe, organisation, j'avais de la misère. (...) Comment gérer mon temps, qu'est-ce que je fais en premier pour pouvoir arriver à la fin de mon travail, je ne savais pas par quoi commencer.

Si l'adaptation requiert du temps, comme le reconnaît cet élève, elle semble, en même temps, être le gage d'un enrichissement insoupçonné :

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    Tu as une démarche de travail spécifique, mais ça, c'est une base. Tu vas toujours avoir la même démarche, mais il va y avoir des facettes qui vont se développer. Donc, tu pars avec une petite démarche, elle se développe, elle se développe, c'est un peu comme une toile d'araignée.

Il faut souligner que la motivation engendrée par l'utilisation d'ordinateurs n'est ni systématique, ni toujours positive. Il faut accepter de passer par des étapes parfois désagréables. Au tout début, l'ordinateur apparaît comme une extension du Nintendo de la maison, mais il apparaît peu à peu comme une machine complexe qu'il faut apprendre à connaître. Certains s'en détournent, tandis que d'autres cherchent à en découvrir les circuits les plus obscurs. C'est le temps des "bogues", des virus et autres fantaisies informatiques. Ce n'est qu'à la troisième étape de la première année du secondaire que l'enseignant en vient réellement à apprécier la présence de l'ordinateur en classe : à ce stade, l'ordinateur devient secondaire pour presque tous les membres de la classe, tout en remarquant une diversification de ses applications.

En ce qui a trait à la durée des apprentissages, l'approche par projet présente certains autres avantages : il existe un début et une fin que l'élève est capable de voir venir et qui lui appartient d'administrer. L'élève est alors plus impliqué dans l'organisation et la gestion de son temps:

  •  

    ...quand tu es par projet, il est vrai que ça demande plus de temps et plus d'effort, mais c'est toi qui apprends et tu apprends aux autres. C'est toi qui vas aller chercher les références et tu vas faire un peu comme ton professeur...

Les élèves sont appelés fréquemment à participer à l'apprentissage de leurs pairs.

 

2.1.3 Des élèves chez qui l'on veut développer des habiletés de communication et de collaboration

Puisque la plupart des réalisations sont le fruit d'un travail collectif, les élèves sont alors placés en situation de développer leurs habiletés de communication.

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    Souvent, on donne nos commentaires à la fin d'une présentation pour mentionner comment on pourrait faire pour s'améliorer une fois de plus. Nous disons parfois des choses négatives, car il faut tout simplement les améliorer. On soulève les points positifs qu'on devrait garder. Ces commentaires sont faits pour nous aider.

Il leur faut donc apprendre à faire confiance aux autres et, nécessairement, à avoir confiance en eux-mêmes (Gibbs & Gibbs, 1967). En trouvant un champ d'action où ils se sentent utiles au groupe, que ce soit sur le plan technique ou académique, les élèves se sentent valorisés; leur confiance en eux-mêmes peut augmenter en leur fournissant davantage d'occasions de se rendre utiles.

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    Mes souvenirs, c'est avec mon copain à côté de moi, parce que moi, ma force c'est l'histoire, puis lui, il est vraiment bon en informatique. Donc, quand on avait des cours d'histoire, je l'aidais beaucoup, puis je lui donnais des conseils et je lui apprenais de la matière. Il faisait la même chose pour moi en informatique, donc ça m'aidait beaucoup comme ça.

Rappelons que la possibilité de communication entre pairs est d'abord présente du fait que la grande majorité des élèves sont physiquement placés en groupes de quatre.

Moi, je travaille beaucoup, beaucoup, mais je parle en même temps... vu qu'on est en équipes, on peut parler... on parle des recherches, tu peux aussi demander à quelqu'un comment faire des choses sur l'ordinateur. On apprend en équipes... c'est plus intéressant que d'écouter le professeur en avant...

Le travail en mode aysnchrone avec ses pairs du lieu de l'école ou de la maison est aussi rendu possible et de nombreux élèves finissent par communiquer entre eux à partir de leur foyer. Il est parfois surprenant de constater le nombre élevé d'informations à teneur strictement scolaire qui s'échangent en dehors du temps de classe. L'enseignant, accompagné de personnes-ressources de l'extérieur, sont aussi impliqués dans bon nombre d'échanges sur le temps scolaire et hors du temps scolaire. Il est également intéressant de voir comment des élèves timides peuvent utiliser la communication par réseau pour poser des questions qu'ils n'oseraient soulever publiquement.

Si, par définition, le projet se réalise en collaboration, le travail personnel n'est pas pour autant considéré moins important. Parce qu'ils doivent souvent accomplir des tâches complémentaires, les membres de chaque équipe doivent développer leur sens de l'organisation et leur sens des responsabilités. La latitude d'action préconisée par l'approche par projet jointe à la nécessité d'une collaboration de tous les placent en situation de développer leur autonomie.

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     ...on se répartit les tâches au début du projet, puis on se donne une date de remise. Puis, rendus à cette date, on se donne tout le travail qu'on a fait. Puis ça arrive des fois qu'il y en a qui n'ont pas fait le travail. Donc il faut donner un surplus de temps, puis on a moins de temps pour une autre étape.

Lorsque l'habitude du travail en collaboration s'installe dans une classe, la pression du groupe peut devenir suffisamment forte pour ramener certaines " brebis égarées " dans le droit chemin. Il faut cependant admettre que tous les projets n'ont pas le même effet sur la motivation des élèves. Il existe bien sûr des élèves chez qui on observe une plus grande difficulté d'adaptation, mais la majorité d'entre eux est stimulée par le travail de collaboration inhérent au travail en projet.

 

2.1.4 Des apprentissages significatifs axés sur le développement de la pensée

Les élèves édifient progressivement leur savoir et leurs habiletés au cours de la réalisation d'un projet d'apprentissage. Par exemple, pour chaque projet d'histoire, des élèves ont construit des organigrammes mettant en relation les différents concepts sur lesquels ils devaient travailler. En utilisant un logiciel prévu à cette fin (MS Organigramme hiérarchique, inclus avec Office), il leur était possible de remanier rapidement et aisément les différentes relations entre les concepts, au fur et à mesure que leur compréhension se développait. Utilisé de cette façon, l'ordinateur supporte l'exécution de plusieurs opérations.

Ainsi, le savoir à acquérir se présente moins comme une succession ou juxtaposition d'éléments distincts, dans l'esprit de l'élève, mais plutôt comme un réseau de relations:

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    C'est pas du par coeur obligatoirement tout le temps, ce sont des matières intégrées aux projets. On voit les mêmes contenus qu'au régulier, sauf que c'est donné d'une façon plus intéressante.

    C'est nous qui structurons, cherchons dans les livres ou sur Internet pour trouver l'information. Comme c'est nous qui apprenons par nous-mêmes, à la fin du projet, on peut apprendre aux autres ce qu'on a appris. Puis après, les autres nous apprennent ce qu'ils ont appris dans leur projet.

Le simple fait de travailler en projet crée, en raison de la multidisciplinarité et de la multiplicité des tâches, d'excellentes occasions de résoudre des problèmes. De plus, les élèves sont placés en situation de résolution de problèmes de par la nature même des contenus d'apprentissage. C'est surtout le cas en mathématiques; en certaines occasions, le réseau est utilisé afin d'y déposer des problèmes à résoudre susceptibles de capter l'intérêt des élèves même lorsqu'ils sont à la maison; en d'autres occasions, le logiciel CabriGéomètre vient fournir un support visuel à des opérations mathématiques.

Bref, l'école, telle que nous la concevons dans le cadre du programme Protic, n'a donc pas tant la responsabilité d'instruire l'élève que, par et dans cette instruction, faire de ce dernier un individu responsable, c'est-à-dire un membre à part entière de sa collectivité. Dans cette perspective, les situations d'apprentissage que nous offrons aux élèves doivent conduire ces derniers à devenir des citoyens pleinement engagés dans leur propre formation continue et dans le développement de leur communauté.

Nous croyons, par conséquent, que plus nous serons nombreux et nombreuses à adhérer pleinement aux perspectives mises de l'avant par le MEQ, plus nous serons en mesure de réclamer de ce dernier la mise en place des conditions nécessaires à la poursuite de ces objectifs que nous estimons fondamentaux. Cependant, il importe, dès maintenant, que nous fassions en sorte que ces objectifs se concrétisent progressivement au sein de nos classes par la mise en oeuvre d'un enseignement qui fait appel à un engagement réel des élèves dans leur démarche d'apprentissage.


 

Chapitre 3

Les rôles au sein d'une classe, communauté d'apprentissage

 

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      Moi, je trouve que tout le monde a sa place. Je trouve que c'est un environnement où tout le monde doit avoir sa place.
      Si c'est juste quelqu'un qui prend tout l'espace, ça ne marche pas. C'est un environnement de collaboration.

       

L'environnement d'apprentissage comprend certes des ordinateurs, mais également, faut-il le rappeler, des personnes auxquelles sont alloués différents rôles et qui doivent respecter certaines règles de vie, compte tenu des objectifs à atteindre et des circonstances.

Le lieu physique est important. À Protic, chaque élève a sa classe et son groupe de travail dont les membres sont réunis autour d'une même table offrant, entre autres, de l'espace de rangement individuel (8 groupes). C'est désormais l'enseignant qui se déplace d'une classe à l'autre. Il arrive que les rencontres se tiennent à l'extérieur de la classe. Les déplacements sont liés aux exigences des projets de la classe, mais également aux besoins spécifiques de chaque équipe, de sorte qu'il peut arriver qu'une ou plusieurs équipes, ou certaines personnes, ne soient pas présentes en classe en même temps que les autres.

C'est à la reconceptualisation de la classe en tant que communauté d'apprentissage que nous dédions ce chapitre. Pour ce faire, nous présenterons d'abord nos représentations émergentes du rôle de l'enseignant et, ensuite, de celui de l'élève.

 

3.1 Le rôle de l'enseignant

L'apprentissage par projet, lorsqu'il repose sur la co-construction des connaissances, fait de la classe une authentique communauté. La classe, communauté d'apprentissage, évolue au rythme de la contribution de ses membres.

Le rôle de l'enseignant dans un tel contexte s'avère multiple et complexe. S'il revient à l'enseignant de mettre en place les conditions propices à la création d'un véritable espace de collaboration entre les membres de la classe, celui-ci ne peut naître qu'au sein d'un climat de confiance réciproque. Il revient aussi à l'enseignant de poser les gestes qui conduiront à l'établissement d'un climat d'apprentissage qui soit respectueux de tous et qui sollicite le dépassement de chacun.

La maîtrise de situations d'apprentissage de plus en plus complexes traduit le développement progressif de l'autonomie intellectuelle. Celle-ci, qui pour nous ne peut se développer que dans un climat de confiance réciproque, se manifestera par une certaine souplesse des rôles, laquelle découle de la reconnaissance des différentes compétences des uns et des autres en matière de construction des connaissances, de même que d'une volonté commune d'y faire appel. Le développement de l'autonomie de l'élève passe en effet par l'apprentissage des contenus, mais aussi des différents rôles que l'élève sera amené à tenir dans la société. Dans ce dernier cas, le rôle de l'enseignant consiste à proposer des activités d'apprentissage au cours desquelles l'élève peut faire un exercice significatif de ces différents rôles.

À Protic, apprendre, c'est d'abord apprendre à apprendre dans le contexte d'une collaboration réfléchie. C'est pourquoi nous privilégions l'approche par projet et le travail coopératif qui font tous deux appel à l'exercice et au développement des habiletés individuelles et à la mise en commun de ces dernières pour le bénéfice de la classe. Dans cette perspective, l'enseignant devient un guide spécialisé, attentif à la démarche de chaque élève et à sa mise en relation créatrice avec celle des autres membres de la classe, incitant l'élève à participer et à proposer lui-même des actions concrètes pertinentes à son propre développement ainsi qu'à celui du groupe. Ainsi, la communauté d'apprentissage s'édifie, entre autres, à partir des contributions communes construites à partir des relations entretenues avec les autres. Amener l'élève à établir une relation significative avec le monde, à être en relation, tel nous semble être le rôle de l'enseignement. N'est-ce pas ce qui lui permet de passer du "je" au "nous"?

Si le travail en collaboration est de nature à permettre une construction collective de la connaissance, l'ordinateur, envisagé du point de vue de sa fonction de communication, peut renforcer cette possibilité. Toutefois, c'est à l'enseignant que revient, ici encore, la responsabilité de concrétiser cette possibilité en regard des objectifs que la classe s'est donnés. Il n'est certainement pas inutile de souligner ici que le rôle de l'enseignant dans un contexte d'apprentissage coopératif en réseau est complexe. La prise en charge de l'apprentissage par l'élève requiert une attention soutenue de l'enseignant à l'endroit de chacun d'eux, l'évaluation la plus juste possible des forces et des faiblesses de chacun, la mise en oeuvre de situations d'apprentissage qui en tiennent compte et qui soient en même temps orientées vers le développement de l'élève au sein d'un contexte de collaboration. L'ordinateur, en tant qu'outil d'apprentissage mis à la disposition de la classe, s'inscrit dans cette perspective. Cependant, s'il est clair qu'en aucun cas l'enseignant ne doit être au service de l'ordinateur, ceci ne revient pas à dire que l'utilisation de l'ordinateur ne puisse donner lieu à une transformation significative des pratiques de l'enseignant. Il nous semble au contraire souhaitable que, tout comme le livre dont la lecture est susceptible de conduire à de nouvelles habitudes d'interprétation, l'utilisation de l'ordinateur mène à un élargissement et à une redéfinition du rôle de l'enseignant. L'éducation est un processus de réciprocité : l'humain est façonné par les outils qu'il utilise et qu'il façonne à son tour. Il en va donc de l'ordinateur comme il en va du livre, à cette différence près que le premier ouvre la porte à des interactions difficilement prévisibles et susceptibles de se multiplier à l'infini.

Quels que soient les instruments auxquels il a recours, l'enseignant sait pertinemment que c'est de sa capacité à placer les élèves dans des contextes stimulants, c'est-à-dire susceptibles de les amener à développer des habiletés intellectuelles majeures, soit celles de création, d'analyse et de jugement, que dépend le développement d'une véritable communauté d'apprentissage. En outre, nous comprenons que l'engagement des élèves dans une construction collective de la connaissance requiert du temps, car il correspond à la maîtrise progressive de l'autonomie aussi bien individuelle que collective.

À la lumière des éléments de définition du rôle de l'enseignant qui viennent d'être proposés, on voit poindre l'idée, centrale, de médiation. Si nous admettons qu'une pensée n'a de signification que dans la relation qu'elle entretient avec une autre pensée, équivalente ou plus développée, ne sommes-nous pas amenés à considérer l'enseignant comme une pensée médiatrice ayant comme fonction d'amener l'élève à établir une relation significative avec l'objet de son apprentissage ? En retour, la relation, que l'élève établit avec cet objet, par l'intermédiaire des différents artefacts qu'il est appelé à manipuler, devient, pour l'enseignant, l'instrument privilégié de son propre développement. En observant ce qui se passe en classe, l'enseignant est à son tour informé au sens plein de ce mot : non seulement ses observations vont-elles l'amener à dégager des conclusions qui lui permettront d'enrichir sa pratique, mais au moment même où il les formule, il devient à son tour partie prenante du développement de la classe qu'il fait sienne en reconduisant ses conclusions sous la forme de situations d'apprentissage concrètes desquelles il ne se distingue pas. En choisissant de recourir à l'apprentissage coopératif et à la pédagogie par projet, les enseignantes et les enseignants de Protic travaillent à mettre en place des situations de collaboration dont chacun puisse tirer profit tout en contribuant au développement du groupe. La participation accrue des élèves fait en sorte que l'enseignant se retrouve avec beaucoup d'idées, beaucoup de main-d'oeuvre et de motivation, ce qui fait de la classe un milieu particulièrement vivant qui étonne souvent l'enseignant et le conduit tout naturellement à développer des attitudes visant à soutenir et à renforcer cet esprit de collaboration entre tous les membres de la classe.

Le rôle de l'enseignant réside donc dans l'établissement d'un dialogue d'une nature toute particulière avec sa classe. Cependant, s'il incombe à l'enseignant de mettre en place les conditions d'exercice de ce dialogue -par l'usage entre autres d'un outil comme le Knowledge Forum qui est spécifiquement dédié à la coconstruction de connaissances-, c'est de la relation qu'il établit avec ses élèves que dépendent finalement l'établissement et le développement de ce dialogue. Le rôle de l'enseignant sera alors de guider cette interaction de manière à ce qu'elle réponde aux objectifs d'apprentissage en coopération que s'est donnés la classe. Interagir pour apprendre implique, entre autres, le partage des compétences des uns et des autres autour d'un projet commun;c'est de cette façon que peuvent se développer des habiletés nouvelles. C'est, par conséquent, tirer collectivement partie des différences des uns et des autres. L'interaction, en tant que partie intégrante du processus d'apprentissage, accroît nécessairement l'efficacité des apprentissages des uns et des autres, chaque contribution pouvant être éclairée, interprétée, critiquée, développée par les autres membres de la classe. Cette interaction contribue par le fait même au développement du savoir de la classe tout entière.

C'est ici que le rôle médiateur de l'enseignant revêt tout son sens. Si l'on admet que l'aptitude à élargir le champ de la conscience est fonction d'une capacité à établir des liens entre les choses, il apparaît alors que le rôle de l'enseignant sera de placer l'élève dans des contextes sémiotiques les plus riches possible, de manière à ce qu'il puisse se doter d'une instrumentation qui lui permette d'accéder à des apprentissages de niveau supérieur. Ce rôle, aucune machine, si efficace, si spécialisée soit-elle, ne peut l'exercer d'elle-même; en revanche, l'enseignant ne saurait définir son rôle à l'écart du contexte de sa pratique, de sorte qu'il ne peut faire l'économie d'aucun des éléments de ce contexte. Fournir à l'élève tous les moyens susceptibles de l'amener à une démarche dynamique de l'apprentissage, lui donner accès à une information riche et diversifiée, le placer dans des situations d'apprentissage où il sera amené à manipuler et à organiser cette information et ainsi à réfléchir sur ses apprentissages, tels sont les objectifs qui peuvent alors être poursuivis.

 

3.2 Le rôle de l'élève

L'aspect communautaire de l'approche se trouve renforcé par l'usage du WebKnowledge Forum (voir la base de données l'ABC_W) et du Knowledge Forum, qui sont spécifiquement dédiés à la coconstruction de connaissances. Que font ces élèves en classe ? Si l'école a pour fonction de préparer les élèves à vivre au sein d'une société qui fait appel à la participation de chacun, alors les situations d'apprentissage qu'elle propose à l'élève doivent refléter cet état de fait. C'est, nous semble-t-il, le cas de l'apprentissage par projet où chacun doit apporter une contribution originale. À ce titre, chaque élève devient indispensable à la bonne marche de l'équipe et de la classe.

Qu'en est-il des périodes de cours lorsque s'applique de manière réussie l'approche par projet? L'élève n'assiste plus au cours, mais il le construit à partir des objectifs définis dans le curriculum. Il n'exécute plus une tâche déjà planifiée par l'enseignant, mais conçoit et réalise une activité. On peut dire qu'il est en projet, au sens le plus fort de cette expression. Expression que ne désavouerait certes pas le fondateur du pragmatisme qui écrivait, il y a déjà près d'un siècle : "Exactement comme nous disons qu'un corps est en mouvement, et non que le mouvement est dans un corps, nous devrions dire que nous sommes en pensée et non que les pensées sont en nous8".

Lorsque l'élève possède une connaissance suffisante de la matière à couvrir, il participe au choix du projet, à la division des tâches9 et assume la responsabilité de la partie de travail qui lui est attribuée à sa manière qui lui est propre. Il fait aussi de la recherche, liant ses connaissances antérieures à des références nouvelles variées (livres, rencontres, sites Internet) et recourant à la démarche scientifique dans le traitement de la partie du projet qui lui est impartie.

Le projet Protica Jones, mis en place dans le cadre du cours de géographie de première secondaire, constitue, à cet égard, une illustration intéressante de la manière avec laquelle les élèves construisent leurs connaissances dans un contexte d'apprentissage par projet assisté par l'ordinateur en réseau. Précisons dès maintenant que le but de ce projet était d'amener les élèves à découvrir et à approfondir les principaux éléments de géographie physique et humaine qui forment le monde. La classe décida que le résultat final de ce travail de recherche se traduirait par la publication d'un atlas intégrant les différents thèmes du programme de géographie. Chacune des équipes devait étudier de façon plus particulière une région ou un pays. À l'intérieur de ces équipes, chaque élève se voyait attribuer une spécialité. Compte tenu de la disparité des éléments géographiques qui caractérisent chaque pays, une présentation de l'état des recherches de toutes les équipes de travail devait régulièrement être faite devant la classe. Ainsi l'équipe qui travaillait sur l'Italie fut amenée à expliquer le fonctionnement des volcans aux autres élèves de la classe, tandis que l'équipe qui travaillait sur le Brésil présenta les caractéristiques du climat tropical. Comme il s'agissait d'un projet qui s'étendait sur plus de six mois et qui intégrait la majeure partie du contenu du programme de géographie, les élèves se trouvaient donc à construire ensemble et de façon progressive leurs connaissances géographiques.

Durant la réalisation du projet, les élèves eurent à utiliser l'ordinateur régulièrement. Comme la plupart des élèves n'avaient que peu de connaissances en informatique, l'enseignant orienta le travail vers des applications simples de l'ordinateur. Comme c'est souvent le cas, le logiciel de traitement de texte devint l'outil principal à partir duquel les élèves purent construire, modifier ou corriger leur travail. Pour la recherche de l'information et des images, les élèves avaient accès à des cédéroms, au réseau Internet ainsi qu'à la bibliothèque. Ils utilisèrent également au besoin un numériseur d'images. L'utilisation d'un projecteur électronique fut permis lors des présentations périodiques.

Comme on peut le voir, l'apprentissage en collaboration ne consiste pas seulement, pour l'élève, à partager ses connaissances avec ses pairs, mais, non moins essentiellement, à se préoccuper de son apprentissage aussi bien que de celui de la classe tout entière. C'est ainsi qu'il prépare des feuilles d'étude, un atelier ou encore un travail écrit à partager. En accord avec les principes de l'apprentissage coopératif, il fait fréquemment des exposés devant de petites équipes ou devant la classe. Il participe également à l'évaluation des travaux de ses pairs en donnant son avis sur la démarche de travail ou de coopération, sur la qualité du support visuel, sur l'efficacité du texte de l'exposé. Au besoin, il fait un commentaire écrit qui sera déposé dans le portfolio. La connaissance du travail des autres contribue à l'enrichissement de ses travaux, de ses connaissances et de sa vision du monde qui l'entoure comme en témoignent les propos suivants :

  •  

    Moi, je pense qu'en équipe, chaque personne a une force particulière, donc s'il y a une personne pour faire, par exemple, la mise en page, ou une autre pour composer les textes, à ce moment-là, on assemble toutes les choses ensemble, puis ça fait un produit fini beaucoup meilleur. (...) Chaque force donne un produit sensationnel, puis on performe tout le temps, puis si quelqu'un a des problèmes, notre équipe va être là pour lui dire quoi faire.

L'élève réfléchit fréquemment à la qualité de ses apprentissages, ce qui lui permet de mettre en oeuvre des moyens de développer ses habiletés. Ses réflexions seront déposées dans son portfolio.

À l'occasion, avec les membres de son équipe, il travaille au sein d'un univers plus étendu que celui dont dispose généralement un élève du secondaire. La réalisation d'un site Web sur les phares du St-Laurent, avec l'aide de la garde côtière, constitue un bon exemple de la contribution des élèves à la communauté.

L'élève développe ainsi, peu à peu, des habiletés sociales et intellectuelles (création, analyse, jugement).

Enfin, il nous a semblé que les élèves semblaient plus heureux dans un contexte où leur participation est fortement sollicitée.

 


 

 

PARTIE II
Organisation de l'environnement d'apprentissage

 


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