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Le blog d'education et de formation

Guide pédagogique destiné aux enseignants de la langue française2/2

15 Mai 2009 , Rédigé par mazagan Publié dans #METHODOLOGIE DU FRANCAIS

Appliqué au domaine de la méthodologie – dans lequel se situe notre
question initiale -, ce modèle de complexification des problématiques didactiques
amène aux considérations suivantes :
1 – le continuum : l’enseignant doit maîtriser chacun de ces positionnements
parce qu’il peut en avoir besoin : les élèves les plus faibles et/ou les moins
motivés ont besoin d’un enseignement structuré et « énergique » ; le mieux qu’il
aura à faire à certains moments, par contre, sera de laisser certains élèves
apprendre comme ils en ont envie ;
2 – l’opposition : dans une certaine mesure, l’enseignement collectif, par
l’imposition des méthodes d’enseignement qu’il implique, limite les possibilités
d’apprentissage individualisé et peut gêner la constitution par les élèves de leurs
propres méthodes d’apprentissage ;
3 – l’évolution : évolution historique de la didactique des langues, d’une part,
dont les positionnements ont globalement évolué de la gauche (centration sur
l’apprenant) vers la droite (centration sur l’apprentissage) au cours des dernières
décennies ; évolution chronologique dans le même sens, d’autre part, de la
relation entre l’enseignement et ses élèves, au fur et à mesure que ceux-ci
progressent en langue et se forment à l’apprentissage ;
4 – le contact : le contact entre les méthodes d’enseignement et les méthodes
d’apprentissage produit un phénomène d’ « interméthodologique » comparable à
celui d’ « interculturel » (provoqué par le contact entre la culture de l’élève et la
culture étrangère) et à celui « d’interlangue » (généré par le contact chez
l’apprenant entre sa langue maternelle et la langue étrangère) : l’élève conserve
certains éléments de sa méthodologie personnelle d’apprentissage, emprunte des
éléments de la méthodologie d’enseignement, et enfin articule, combine et
« métisse » des éléments de l’une et de l’autre ;
5 – l’instrumentalisation : l’élève utilisera consciemment des éléments de sa
méthodologie personnelle, ou au contraire des éléments directement importés de
la méthodologie d’enseignement, suivant ses convenances : lorsqu’il abordera un
Former L’ « interformatif » S’autoformer Types d’enseignements
et traditions didactiques
Le formateur forme
les stagiaires à
enseigner selon une
nouvelle
méthodologie ou
approche constituée
Le formateur gère
avec les stagiaires le
contact entre les
innovations
didactiques qu’il
présente et les
traditions et types
didactiques des
stagiaires
Le formateur aide les
stagiaires dans leur
propre projet
individuel de
formation
Le formateur laisse les
stagiaires se former euxmêmes
à partir de leurs
traditions et types
didactiques
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nouveau texte chez lui, par exemple, il en cherchera aussitôt dans le dictionnaire
tous les mots inconnus, mais en lasse il s’efforcera de faire des hypothèses à partir
de sa compréhension partielle d’un nouveau dialogue, parce qu’il sait que c’est ce
qu’attend l’enseignant, et qu’il pourra ainsi « gagner des points » en note de
participation orale… ;
6 – la dialogique : « Le principe dialogique consiste à faire jouer ensemble de
façon complémentaire des notions qui, prises absolument, seraient antagonistes et
se rejetteraient les unes aux autres » ; lorsque l’on va appliquer ce mode de
relation, on va considérer la boucle récursive suivante : le processus
d’enseignement a un effet sur le processus d’apprentissage, lequel, ainsi modifié,
influence à son tour le premier, et ainsi de suite.
Il n’y a aucune raison, dans l’état actuel des recherches en didactique des
langues, pour qu’un enseignant écarte a priori quelque positionnement que ce soit
pour toutes ces problématiques, ou quelque mode de relation que ce soit pour tous
ces positionnements. En d’autres termes, un enseignant « expert » est un
enseignant capable, en fonction d’une analyse fine de la situation
d’enseignement/apprentissage telle qu’elle évolue constamment, de mettre en
oeuvre des pratiques qu’il pourra positionner à n’importe quel endroit choisi de ces
continuums et en y faisant fonctionner n’importe quel mode de relation choisi
entre le processus d’enseignement et le processus d’apprentissage.
8 – « Quelles sont les autres questions que je ne me pose pas en posant ma
question ? (en guise de conclusion)
Il ne s’agit pas ici de nouvelles questions générées à partir de la question
initiale par approfondissement ou élargissement de la problématique, comme nous
en avons vu jusqu’à présent, mais de ces autres questions qui étaient, de par la
question initiale elle-même et sans qu’on se rende compte, écartées, interdites,
impossibles à poser. La découverte de ces « questions cachées » par la perspective
imposée par le questionnement initial, de ces « points aveugles » du regard
didactique spontané, est capitale parce que c’est cette découverte, tout autant que
l’accumulation des connaissances nouvelles et des nouvelles problématiques, qui
va permettre à l’enseignant d’évaluer le chemin formatif qu’il aura parcouru.
Telle qu’elle est posée, il me semble que la question initiale (« Comment
enseigner pour faire apprendre ? »), en raison de la perspective de centration sur
l’apprenant qu’elle implique, occulte la question « Comment apprendre (en tant
qu’élève) ? ».
Si l’on a pris goût à la réflexion didactique (ce que j’espère), on ne se
demandera plus, à propos de cette nouvelle question « Comment apprendre ? »,
« Est-ce que j’essaye de répondre à cette question ? », mais on se posera la
question « Qu’est-ce que j’entends exactement par la question que je me
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pose ? »… et les suivantes (voir les intertitres successifs de ce chapitre). En
arrivant à la dernière question précédant le bilan, les collègues à orientation
pratique risquent cette fois d’être un peu déçus, la didactique des langues ayant
jusqu’à présent beaucoup plus travaillé sur les méthodes d’enseignement que sur
les méthodes d’apprentissage, et les suggestions pratiques, de ce fait, ne sont pas
légion. Les collègues à orientation théorique, qui prennent plaisir et profit à la
conceptualisation didactique en elle-même, pourront, en appliquant
successivement au couple méthodes d’enseignement/méthodes d’apprentissage les
différents modes de relation conceptuelle présentés plus haut, produire de
nouvelles questions dont certaines seront peut-être intéressantes, et des idées dont
certaines se révéleront peut-être exploitables dans la pratique. L’objectif d’une
formation didactique, en effet, n’est pas seulement de se rendre capable de
retrouver les bonnes questions, c’est aussi d’en découvrir soi-même d’autres tout
aussi pertinentes en se mettant en condition d’en générer un maximum de
nouvelles. Vu la complexité de la didactique des langues et les spécificités de
chaque situation d’enseignement/apprentissage, les formateurs en langues et les
enseignants passionnés de nouveauté peuvent se rassurer sur l’avenir : la mine des
questions didactiques est de toute évidence inépuisable.
9 – Préparation des contenus d’un cours
L’enseignant a le souci de préparer les contenus d’un cours avec méthode en :
- réunissant l’information nécessaire et la documentation appropriée aux activités ;
- effectuant le choix d’une ou plusieurs approches méthodologiques ou
didactiques pour faciliter l’apprentissage des apprenants ;
- assurant le traitement didactique des pré-requis indispensables et en prévoyant
les développements futurs ;
- préparant en vue de leur exploitation les documents adéquats et les matériels
d’enseignement ;
- intégrant des types d’activités et d’exercices développant la participation de
l’élève à sa propre formation ;
- élaborant un plan détaillé ou une rédaction du cours comportant la formulation
explicite :
• des objectifs d’apprentissage proposé
• du matériel et des supports nécessaires
• des exercices et instruments d’évaluation appropriés (évaluation formative et
bilan)
- tirant profit des ressources disponibles dans le milieu ;
- élaborant une fiche d’autocorrection permettant d’analyser, à partir des
conditions de réalisation du cours et des résultats obtenus, les lacunes et
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dysfonctionnements éventuels, en vue de déterminer les actions à initier dans
le cadre de la rénovation pédagogique.
B – La pédagogie différenciée
Les enseignants, les formateurs estiment parfois différencier la pédagogie
reviendrait à faire une leçon particulière à chaque élève dans un même cours, qui
exigerait d’eux d’orchestrer une sorte de préceptorat généralisé. A ce modèle
mythique et repoussoir, ils opposent les contraintes d’effectifs, d’horaires, de
programmes… Au milieu de ce concert, beaucoup semblent baisser les bras.
Pourtant, tout le monde s’accorde à penser que les élèves sont différents et
depuis une vingtaine d’années, de nombreux travaux ont montré que ces
différences se situaient à plusieurs niveaux :
- au niveau socioculturel, les valeurs, les croyances, les histoires familiales, les
codes de langage et les types de socialisation différents selon l’origine
sociale ;
- au niveau cognitif, les processus mentaux d’acquisition des connaissances
dépendent des représentations, des stades de développement opératoires, des
modes de pensée, des stratégies d’apprentissage que chacun développe
différemment ;
- au niveau psycho-affectif, le vécu et la personnalité des individus déterminent
leur motivation, leur volonté, leur créativité, leur curiosité et leurs rythmes
d’apprentissage. Face à un traitement scolaire identique, les différences se
transforment en inégalités. Un mode unifié d’enseignement valorise toujours
les mêmes élèves. Les recherches montrent aussi que personne ne peut
apprendre à la place de l’enfant, de l’adolescent ou de l’adulte, mais que
personne ne peut apprendre tout seul. Ces perspectives modifient le rôle de
l’enseignant qui n’est plus le dispensateur du savoir, mais devient
l’organisateur de situations d’apprentissage variées. Puisque les obstacles ne
sont pas les mêmes pour tous, ils pourront être franchis en mettant à la
disposition de chacun une diversité d’outils (textes, parole, objets à manipuler,
film, bande audio ou vidéo, informatique…), de démarches (travaux de
groupes, travail individualisé, cours dialogués, recherches au centre de
documentation…) ou une possibilité de choix dans les objectifs à atteindre. La
différenciation peut alors s’opérer par plusieurs entrées :
- par les processus d’apprentissage : les objectifs étant fixés, le choix est laissé
aux élèves sur la façon de les atteindre. Cela peut être le cas d’une situationproblème
où les élèves doivent construire une démarche qui leur permette
d’arriver à une solution. En mathématiques, par exemple, certains choisiront
l’algèbre, d’autres l’arithmétique pour résoudre un problème ;
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- par les contenus : définis en termes d’objectifs méthodologiques, cognitifs ou
comportementaux. Dans un cours de géographie, l’objectif (méthodologique)
sera de traduire des données sous forme de graphiques plus ou moins
complexes. A l’issue de la séance, les uns auront produit un ou deux
graphiques simples, alors que d’autres auront réalisé un éventail de
représentations plus élaborées, allant de l’histogramme au diagramme en
secteurs. Les résultats produits seront différents selon le point de départ de
chacun et le niveau de difficultés qu’il pourra résoudre en fonction de son
propre outillage mental, mais aussi du rôle du formateur ou du groupe
(médiation).
Dans ces pratiques, la différenciation des structures est nécessaire ; elle
suppose d’autres types de regroupements que la classe, d’autres lieux
(bibliothèques, centres de documentation, foyers, etc.), d’autres animateurs qui
peuvent s’échanger les groupes d’élèves en fonction des besoins du moment :
lecture, orthographe, mécanismes opératoires…
Ces groupements différents peuvent provoquer de nouvelles interactions
sociales et des réactions constructives pour l’apprentissage demandé. Cette
différenciation suppose aussi des aménagements de l’emploi du temps pour mieux
respecter les rythmes de chacun en évitant de pénaliser ceux qui sont les plus
lents, simplement parce qu’ils doivent utiliser une stratégie d’apprentissage plus
complexe pour atteindre l’objectif fixé.
Mais de tels aménagements se heurtent souvent à la structure rigide de
l’institution. Au collège et au lycée, les cinquante-cinq minutes de cours restent le
modèle le plus fréquent : une durée trop longue pour un cours magistral dans
lequel certains auront décroché dès le premier quart d’heure, et souvent trop
courtes pour mettre en oeuvre une expérimentation ou un véritable travail de
groupes.
Ces pratiques de différenciation vont de pair avec une volonté d’évaluation
formative, qui permette à chacun de mesurer ses progrès à chaque étape de
l’élaboration de la tâche, et lui donne ainsi la confiance nécessaire pour la
poursuite de son travail.
C’est seulement ensuite que l’apprenant pourra être armé pour affronter les
épreuves communes ou les examens qui doivent ponctuer son parcours.
Vers l’individualisation des parcours
En définitive, pour les formateurs qui prônent ces pratiques, différencier
n’est pas répéter d’une autre manière, mais varier le plus possible leurs actions,
pour que chacun puisse rencontrer, à un moment ou un autre de son cursus, des
situations dans lesquelles il puisse réussir. Car lorsque ce moment arrive, l’élève
prend conscience de sa valeur et trouve l’assurance qui lui permettra d’affronter
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des tâches plus difficiles, construisant ainsi sa propre progression. En cela, la
pédagogie différenciée est une pédagogie de la réussite parce qu’elle permet l’
« individualisation des parcours ».
Les enseignants remarquent souvent le peu de traces que laisse un cours
magistral répété tout au long de l’année. Certes, il différencie la classe : entre ceux
pour qui, à un moment donné, il est un bon moyen d’apprentissage et ceux qui
sont plus lents pour prendre des notes, qui ont besoin de manipuler, qui ne
comprennent pas bien le langage du professeur…
Et même pour les premiers, son rendement est variable en fonction de sa
place dans la journée ou dans la semaine. S’il est le mode unique d’apprentissage
proposé, ce seront toujours les mêmes élèves qui y trouveront leur compte alors
que les autres seront définitivement mis à l’écart, c’est-à-dire en échec.
Cependant, ce même cours magistral peut être parfois réclamé par les apprenants,
à un moment où ils en ressentent le besoin (si un examen approche, par exemple,
et qu’il faut faire vite…).
Philippe Perrenoud souligne que, pour permettre à chacun de construire
son propre parcours d’apprentissage, pratiquer la pédagogie différenciée au sein
du groupe-classe traditionnel n’est pas suffisant. Les cheminements se
construisent sur plusieurs années et la maîtrise de leur individualisation passe par
la mise en place des cycles d’études longs.
Et tous les obstacles ne sont pas franchis pour autant ; encore faudra-t-il
prendre en compte les écarts par rapport à la culture sociale et familiale de chacun,
le choc des valeurs entre l’école et la rue, qui restent parfois un obstacle majeur à
la bonne communication entre l’apprenant et le formateur. « L’infime différence
est aussi l’ultime différence, celle qui résistera bien au-delà de la complexité des
dispositifs d’individualisation des parcours ».
En raison de sa nature même, il serait bien difficile d’établir des règles prédéfinies
pour une « méthode » de pédagogie différenciée.
Philippe Meirieu la décrit comme « exploration aventureuse des
possibles » et « un outil permettant tout à la fois de garantir des acquisitions à tous
les élèves et de permettre à chacun de découvrir progressivement ce qui constitue
la spécificité de son approche et de ses stratégies d’apprentissage ».
Les enseignants s’aperçoivent bien souvent que lorsque l’on fait varier un
facteur, il faut alors modifier tous les autres. Si l’on veut adapter les objectifs aux
élèves, il faudra former des groupes, auxquels on proposera des supports de travail
différents selon leurs besoins, avec une durée différente pour accomplir une tâche,
qui nécessitera soit une aide individualisée, soit un guidage plus ou moins intense
du groupe, soit une simple vérification à la fin du travail pour ceux qui sont déjà
autonomes.
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C’est cette complexité qui décourage parfois les formateurs qui attribuent à
ce type de pratiques la mission impossible de tout différencier à tout moment…
Les institutions de formation de l’Education nationale ont créé ces
dernières années des modules de travail dans les lycées destinés à développer les
compétences en prenant en compte les rythmes et les niveaux des élèves ; la
progression à l’école élémentaire vient d’être réorganisée sous forme de cycles
pour éviter les redoublements inutiles qui obligent les enfants à tout recommencer,
même dans les disciplines où ils possèdent le niveau requis pour la « classe
supérieure ». Toutes ces innovations incitent à un enseignement plus différencié.
Il est certain que le fonctionnement classique de l’organisation scolaire
résistera à la mise en place de structures plus complexes ; tous les obstacles
pourront-ils être dépassés ? Ils nécessitent en tout cas la poursuite du travail de
recherche et d’innovation accompagné d’un effort de formation et d’information.
C – Les interactions en classe de langue
La « didactique au quotidien » ne prend sa forme définitive qu’au sein de
la salle de classe. Comment, dans cet espace clos, fortement ritualisé et inscrit
dans les limites temporelles de « l’heure de cours », peut-on parvenir à mettre en
oeuvre une participation orale effective de chacun des apprenants, souvent trop
nombreux, parfois peu motivés ? Comment donner la parole à tous plus d’une ou
deux minutes durant cette heure, sachant que la production orale nécessite un
espace-temps individualisé pour se développer ? L’Approche Communicative et
l’enseignement/apprentissage axé sur l’apprenant ne deviennent-ils pas, dans ces
conditions un leurre ? Peut-on mettre en oeuvre une pratique effective de
l’interaction en salle de classe ? Oui, si l’on est prêt à instituer au sein de la classe
de nouveaux rapports interpersonnels, à revaloriser le statut de la langue cible et à
restructurer le temps et l’espace pédagogique.
Instituer de nouveaux rapports interpersonnels
Dans le microcosme de la salle de classe, la prise en compte des
apprenants comme personne, la qualité des relations enseignant-apprenants et
apprenants-apprenants ainsi que le climat général de la classe sont des facteurs
non seulement favorables mais indispensables à une pratique réelle de
l’interaction. Et inversement : ces liens et ce climat ne peuvent se construire qu’en
adoptant des pratiques qui visent à rendre les membres du groupe interdépendants.
Une approche vraiment communicative est à ce prix : « Une pédagogie de la
communication ne peut être qu’une pédagogie des rapports interpersonnels
s’exprimant à travers des processus d’interaction et de discours dont les
apprenants doivent prendre conscience.
Pour développer les relations interpersonnelles, le déroulement de la classe
s’organise de façon à accroître la motivation individuelle de l’appartenance de
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chacun au groupe-classe qui devient alors un lieu où s’établissent de véritables
échanges « authentiques ». Cela ne va pas sans évaluer ni prendre en compte des
facteurs tels que les inhibitions personnelles, la peur de parler devant les autres, la
peur de faire des erreurs, le manque de confiance en soi, le peu de motivation,
etc., facteurs donnés au départ dans toute situation de classe et donc inévitables.
L’enseignement/apprentissage centré sur les apprenants se doit de connaître les
antécédents linguistiques mais aussi de s’intéresser à eux comme « personnes ».
Il s’agit alors de se donner les moyens de la meilleure « mise en place »
des rapports entre tous les membres du groupe qui seront appelés à vivre
ensemble un nombre d’heures étalées sur une ou moins longue durée. La première
prise de contact est primordiale : elle détermine souvent la future dynamique du
groupe, sa motivation et son entrain à travailler ensemble. La classe est le lieu où
ne s’instaurent pas seulement des échanges linguistiques dans le but d’acquérir
une langue, mais toute une série de rapports sociaux dont la qualité peut
grandement contribuer à améliorer l’enseignement/apprentissage de la langue
étrangère. On peut en faire un lieu où la grande majorité des participants ont du
plaisir à se retrouver (y compris l’enseignant !) et s’engagent personnellement
dans cette « aventure » pédagogique commune. Dans un climat de confiance et
d’authenticité, la langue cible pourra se développer avec plus de naturel et
acquérir son statut de véritable langue de communication.
Revaloriser la langue cible
Loin d’avoir le seul « statut » d’objet d’apprentissage, la langue cible doit
devenir, de façon aussi nécessaire, le seul instrument valorisé de la
communication. C’est pourquoi tous les échanges sociaux dans l’enceinte de la
salle de classe se font, de façon systématique, d’abord en français : salutations,
mise en marche de la classe, gestion du temps et des activités.
La langue cible devient en quelque sorte la « langue officielle » du
groupe ; même s’il faut parfois avoir recours, avec de grands débutants par
exemple, à la langue maternelle, celle-ci sera utilisée lors de moments qui doivent
être perçus comme une parenthèse par rapport aux « vrais » moments qui se vient
dans la langue cible. Nous appelons ces moments de classe des leçons zéro et il
revient à l’enseignant d’amener à faire sentir au groupe cette distinction que nous
jugeons capitale dans la perception que l’apprenant aura de cette langue.
De très simples trucs permettent de le faire comprendre facilement : on
s’adresse systématiquement d’abord en français à l’étudiant. Chaque changement
de langue, quelle qu’en soit la raison, doit être senti comme un moment
provisoire, une mise entre parenthèses. L’espace-classe est désigné comme
territoire où seul le français est admis. Les étudiants s’adaptent très vite à ces
nouvelles modalités : les plus désarçonnés en comprennent le but pédagogique
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(qui mérite d'être expliqué au cours d’une des premières leçons zéro), et les plus
motivés sont ravis que l’on parle « réellement » français.
A partir de là, la question de l’authenticité des échanges dans la salle de
classe ne se pose plus dans les mêmes termes. L’usage de la langue cible étant
posé au départ comme condition préalable, toutes les activités qui se déroulent
dans la classe se feront en français : l’objet d’apprentissage et son instrument ne
feront plus qu’un.
Pour parvenir à échanger les rapports interpersonnels et revaloriser la
langue cible, il faut, entre autres, modifier les modalités de communication au sein
de la salle de classe en procédant à un nouvel aménagement du temps et de
l’espace pédagogique : instaurer de nouveaux rituels et repenser le format des
activités didactiques.
Créer des espaces d’expression libre ou semi-dirigée
Il s’agit dans un premier temps d’instituer dans l’organisation du temps
pédagogique des moments qui permettent et favorisent les échanges libres, la
conversation naturelle en somme (en français évidemment). Ces courtes périodes
doivent être perçues comme tout aussi importantes que les activités plus réglées.
Elles peuvent, dans le cas d’étudiants de niveau avancé, se faire d’elles-mêmes
(lors de l’attente du début de cours, entre certaines activités, pendant une pause,
etc.), mais la plupart du temps elles doivent suggérer ou même provoquer par
l’enseignant. Elles font aussi partie intégrante de la réalisation des activités où
entre une part importante de créativité et d’expression libre.
Il faut, dans le même temps, prévoir des activités semi-dirigées qui
permettent aux membres du groupe de se connaître. On axera donc les premiers
contacts sur la connaissance mutuelle entre les participants. On peut développer
les relations interpersonnelles au sein du groupe très rapidement dès les premières
heures du cours.
Ces activités tout à fait simples à réaliser sont très efficaces pour favoriser
la mise en place d’une réelle communication en français. Ce type d’activité
permet, au plan de l’enseignement/apprentissage de la langue, de réaliser les
objectifs suivants :
- Développer dans un premier temps l’auto-expression spontanée
Lors de ces séances où les apprenants se retrouvent en face à face ou en
petits groupes, chacun peut, à son propre rythme et sans se sentir trop étroitement
surveillé, développer son auto-expression, c’est-à-dire une production orale
autonome et volontaire (non directement guidée par une série de questions). Un
entraînement régulier à ce type de pratique permet en même temps d’améliorer la
fluidité de l’expression orale.
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L’enseignant ne reste pas inactif. Il va de groupe ne groupe, observe et écoute
les groupes en activité ; il aide ou encourage les étudiants et enfin, il évalue les
difficultés subséquentes. Ce travail d'observation lui permet de mesurer le degré
d’évolution de l’interlangue des apprenants et d’adapter son enseignement à leurs
véritables besoins. Les correctifs, qui viennent après coup, et les « éléments
nouveaux » de la langue s’intègrent de façon plus naturelle et sont ainsi
véritablement axés sur les apprenants.
- Amorcer les échanges à partir de l’expérience individuelle immédiate
Dans ce type de démarche, le « matériel de départ » n’est pas un document de
travail proposé par l’enseignant (dialogue, texte, etc.), mais il est formé par
chacun des individus qui composent la classe avec leurs acquis et leurs attentes.
Les documents de travail (dialogues, enregistrements, textes, etc.) s’intègrent
après coup et comme compléments.
L’expérience nous a montré que cette attention première portée aux acteurs du
groupe et à la qualité de leur interrelation était une condition sine qua non du
succès de l'étudiant et de son entourage immédiat : les intérêts, goûts, expériences
et le milieu socioculturel environnant.
Il revient à l’enseignant de repérer, avec la participation des intéressés, les
domaines et thèmes appropriés au groupe-classe concerné : dans notre cas, la vie
scolaire récente (vie à l’école secondaire), la vie familiale (rapports parentsadolescents),
la vie sociale et universitaire (recherche d’un logement, travail,
organisation de la vie étudiante, relations avec les pairs), les loisirs et goûts
personnels et les grandes questions de l’actualité générale ou locale sont les
thèmes généralement retenus.
Dans la somme des expériences personnelles et collectives, on peut ainsi aller
chercher un contenu à la fois motivant et significatif. Les activités proposées
tiennent largement compte des champs d’expérience familiers aux apprenants.
Puis, on intègre les nouveaux contenus au fur et à mesure des besoins individuels
et du groupe et ce, seulement au moment où les acquis ne sont pas suffisants. Car
s’il est important de partir de l’étudiant dans un premier temps, il serait peu
fructueux et même stérile de ne s’en tenir qu’à lui. Mais l’intégration des
nouveaux éléments linguistiques prendra forme dans les activités didactiques dont
on aura « repensé » le déroulement de façon à les rendre davantage interactives.
Restructurer le format des activités didactiques
L’enseignant, lors de sa préparation pédagogique, devra s’interroger pour
savoir quelles sont les procédures d’exécution en classe qui maximalisent les
échanges entre apprenants. Chaque activité doit donc mise en pratique de façon à
faire appel à la participation effective de chacun dans la classe.
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La procédure de base s’appuie principalement sur des séances de remueméninges
très variées dans leur longueur et leur organisation. Elles se font, selon
le type d’activités, avec la classe entière (généralement pour la période
préparatoire) et/ou en petits groupes. Elles permettent de faire travailler
simultanément l’ensemble des étudiants du groupe-classe durant le même laps de
temps, ce qui augmente considérablement le temps de parole de chacun.
L’accomplissement des tâches individuelles et le groupe est aussi conçu de façon
à responsabiliser chacun vis-à-vis des autres et de lui-même. Le fait de travailler
en groupe ne garantit pas toujours la participation active de tous, il faut donc
structurer l’activité de façon à ce que son accomplissement nécessite
l’interdépendance entre les participants (que ce soit au plan des rôles qu’ils auront
à y jouer ou des informations ou ressources qu’ils détiennent).
Dans certaines activités réalisées en face à face, on peut contrecarrer la tendance
naturelle des étudiants à travailler avec le même partenaire en l’obligeant à
rencontrer différentes personnes. Avec l’enquête-sondage, chaque étudiant est
chargé de poser à un nombre imposé de personnes (10 par exemple) une question
plus ou moins élaborée selon le niveau. L’enquête-interview permet de prolonger
le temps des échanges entre eux partenaires, puisque chacun des deux partenaires
a un nombre imposé de questions à poser pour s’informer sur un sujet particulier,
résoudre un problème, etc.
La formation des groupes ne doit pas être stable, mais varier quant au
nombre des participants, à leur composition (compétence, intérêt, sexe ou origine)
et à l’enjeu des tâches à accomplir. Plus l’apprenant sera appelé à participer à un
nombre varié de types d’interactions, plus il acquérira une autonomie dans sa
compétence discursive.
La plupart des activités d’une classe de langue, exercices de
compréhension ou d’expression orales et écrites, jeux de rôles, simulations,
débats, etc., peuvent être effectuées de façon interactive et coopérative.
Réussir une pratique de l’interaction en salle de classe présuppose une
certaine rupture avec les schémas de classe habituels. S’il faut créer un climat de
confiance et d’authenticité au sein du groupe-classe, varier les types d’échanges
lors du déroulement de la classe (enseignant/classe entière, apprenants/apprenants,
et variantes), il est aussi nécessaire de modifier les attitudes : celle de l’enseignant
qui ne doit pas se considérer comme dépositaire unique du savoir, mais faire
constamment appel aux savoirs acquis du groupe-classe avant de fournir lui-même
l’information ou la formulation recherchée ; celle de l’étudiant qui doit prendre
conscience qu’il a toujours un certain bagage personnel (son expérience comme
communicateur dans sa L1, ses expériences passées, ses connaissances antérieures
de la L2) et que son apprentissage de la langue se développera d’autant mieux
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qu’il participe pleinement aux différents types d’échanges au sein du groupeclasse.
Enfin, il est nécessaire de revaloriser dans la salle le statut accordé à la
langue cible qui, dépassant son rôle d’objet d’apprentissage, acquiert celui
d’instrument de la communication. Et surtout, l’enseignement ne doit pas
s’inquiéter si son heure de cours est souvent scandée de moments où un léger
brouhaha, dû à la superposition de voix, rompt le silence intimidateur et permet,
en fin de compte, à la parole inhibée et hésitante de se délier et de se libérer
http://www.infpe.edu.dz/Publication/_private/PEDAGOGUIE/Primaire/Fran%C3%A7ais/Chapitre1.pdf
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